LE VIOL EST UN MEURTRE QUI SE RETIENT

Le viol m’a tueR

Je suis un objet pour les hommes, et je veux partir en courant pour me retrouver. Je me manque quand il se décharge sur moi, je veux revenir à moi, je m’absente de moi même. Où suis je quand il me viole et vomit son pouvoir? Qui est cette fille qui avale ce sexe harnachée par sa main qui me tire les cheveux ? Il m’a chassé de moi et je me vois être cette femme avec personne dedans. Arrêt sur image de mon existence, il m’a déconnecté et j’ai cessé d’être. Je subsiste sur le fil, juste assez pour me voir être sa poupée de chair. Au fur et à mesure qu’il me désarticule et oublie que j’existe pour de vrai, je disparais. Toujours surprise d’être en vie. On ne se remet jamais d’avoir été prise pour une objet inerte, ce corps mort qu’il a fait de nous reste comme une empreinte, un escarre, amputée à jamais d’avoir cessé d’être vivante pendant qu’il se défoule pour faire exister sa domination. Après, on ne peut vivre que pour tenter de faire cesser l’industrie de mort qui nous a tué de notre vivant. Ce que j’ai vécu ponctuellement dans mon existence je refuse que d’autres femmes le vivent tous les jours, plusieurs fois par jour: cela s’appelle la prostitution, cela s’appelle la pornographie. Tant que les hommes auront le droit de percer des corps vivants pour acter leur misogynie, je me battrais pour que cela cesse. Le geste d’amour, l’échange de plaisir, n’existent pas hors de leurs intentions. Quand l’intention est haineuse, le geste est un coup. Il n’y a pas de confusion possible entre les caresses des corps en désir, l’embrasement des peaux et la pénétration mécanique qui frappe et entre de force, mue par l’intention de tuer la femme dans la femme. Le viol est un crime sans arme qui ne peut se prouver en tant que crime. Pourtant l’objet qui sert au meurtre a bien existé: il s’agit précisément du meurtre lui même. La femme vivante est devenue marionnette. La preuve du crime devient notre parole qui ose énoncer ce qu’ils ont fait de nous. A nous de parler des mots qui tuent, à nous de dire leurs manipulations, à nous de raconter l’innommable de leur comportement, l’effroi qui nous saisit quand leur toute puissance nous exécute.A nous de dire notre âme mutilée.Nous avons toutes été des supports à fantasmes dont le rêve précis est de nous anéantir, de nous tuer littéralement. Le viol se retient à moitié, il peut laisser le corps quasi intact mais le sentiment agonise. Les femmes doivent accepter de croire à ce qui a eu lieu, nous devons oser affronter ce dont il s’agit, sans le réflexe appris de « prendre sur soi » ce qui appartient à l’autre. Refusons la haine qu’ils nous inoculent en forçant notre soumission. Refusons ce poison. Osons souffrir de ce qui fait mal pour pouvoir jouir de ce qui est bon.

COMING OUT COLLECTIF SUR LE VIOL ET SON INDUSTRIE APOLOGISTE : LA PROSTITUTION, LA PORNOGRAPHIE .

HURLONS L’ABJECT PARCE QUE NOTRE SILENCE NE NOUS PROTÉGERA PAS !

Les violeurs ont plaisir à transgresser notre intégrité. « Faire l’amour » ne les intéressent pas et d’ailleurs ils ne savent pas faire, ils sont inaptes aux plaisirs érogènes mais dopés à la jouissance dominatrice. Cette jouissance ne connaît pas de limites, le viol retient le meurtre. D’ailleurs parfois le meurtre ne se retient plus, combien de femmes assassinées après ou avant un viol …? Le viol est un meurtre passager, pendant quelques instants les violeurs nient que nous existons. Ce corps escarre qu’ils font de nous-même est indélébile et souvent fatal à notre vie future. Amputée de l’existence, ils ont réussit à nous amoindrir pour continuer à posséder le pouvoir. Utiliser son pénis comme une arme à feu,voilà ce qu’est le viol. Ensuite le tiers violeur va innommer le crime pour nous en retourner la culpabilité. Le tiers social va inverser la responsabilité et nous introjecter le poids:”J’avais l’impression d’usurper une place de victime à laquelle je n’avais pas droit” sera le sentiment partagé d’une revictimisation. Si nous ne mourrons pas littéralement du premier viol littéral, nous pouvons encore mourir du viol symbolique qui veut taire l’autueur du premier.Et puis il y a les mots du viol que l’on entend partout, toujours, souvent : « salope« , « chienne » « gourdasse » « pute« . Ces mots maintiennent le climat violeur, le vent du viol, pour que la peur nous maintienne en soumission. Et puis il y a le couvre-feu officieux du viol de la nuit, nuit à laquelle nous n’avons pas droit. NOUS LE SAVONS TOUTES, certaines préfèrent la dissociation comme soulagement à ce quotidien effroyable, d’autres reviennent à elle-même pour affronter ce chagrin immense. Ils sont des milliards à nous considérer comme moins existantes qu’eux-même. T’imagines-tu, femme, enfoncer tes doigts dans le cul d’un homme que tu aurais plaqué contre la porte et dont toute l’attitude dirait qu’il n’a pas envie ? Douterais-tu que cet acte puisse être une atteinte ultime à l’Autre ? Les violeurs SAVENT et le viol est constitutif de la masculinité en patriarquie. Il existe des exceptions, mais ces hommes non violeurs, pourquoi se taisent-ils si fort sur leurs pairs ? Pourquoi se taisent-ils si fort sur leur père ? Dans les nombreuses fois où un homme m’a violé, il y a eu une fois où le garçon me plaisait mais il avait déjà planifié son mode opératoire violeur dès la rencontre : la réciprocité désirante n’était pas le propos, le propos était l’agression, le propos était le crime. Ils ne veulent pas de notre plaisir, il veulent notre souffrance. Le violeur ne regrette pas que nous soyons sans désir pour lui, il le veut . Le violeur déteste le désir des femmes. Cette réalité est un tremblement de terre, beaucoup de femmes la refusent comme possible. Le traumatisme est d’une puissance à faire disjoncter le cerveau car la violence du viol agit sur le terrain du corps, de la confiance et de l’intime. Le violeur est le plus souvent un PROCHE, recevoir le coup par là où on ne l’attend pas décuple la puissance du trauma. Recevoir un coup par la main qui est censée nous en protéger est un choc foudroyant. Le violeur nous violente par là où s’exprime l’abandon, la sécurité, le plaisir, la tendresse. Le crime de viol est une trahison, une effraction, une humiliation, un anéantissement de notre existence.

Police, avocats, mecdias et juges se chargeront de faire une pathologie de la relation ou un quiproquo des plaintes pour viol…Il faut dire que le probatoire échouera systématiquement puisque c’est l’intention du pénétrant qui fait viol et pas l’action….Le viol c’est un meurtre qui se retient , qui instrumentalise le terrain génital pour violenter…Mais le terrain génital est déjà miné de pratiques patriarcales pénétratives. La « sexualité » actuelle, c’est à dire pornoland, n’est rien d’autre qu’un rejeu du viol. La pénétration et sa menace éjaculatoire est la première arme de dressage des femmes à la soumission. Les « mal baisées » seront logiquement les insoumises, les femellistes. La viande c’est l’enfant d’un viol procréatif, le viol c’est la viandalisation des femelles.

LE VIOL N’EST PAS SEXUEL, LE VIOL EST VIOLENCE

Soyons claires, c’est le porno qui fait de la violence génitalisée une pratique acceptable à la production, à la diffusion et à la consommation LÉGALES. Dès lors TOUTES les femmes sont piégées car les viols dont elles sont victimes relèvent du divertissement le plus pratiqué d’internet. L’existence légale du porno rend n’importe quel plainte pour viol-ence impossible. La légalité du viol pornographique est le socle actuel des viols endémiques. Comment porter plainte pour crime de viol quand ce même crime est le spectacle sur lequel le violeur, le flic, l’avocat et le juge se branlent avant et après avoir confronté une femme victime ? L’assimilation de la violence aux relations corporelles de plaisirs charnels fait du crime une pratique banale. L’anéantissement de l’intégrité par pénétrations, coups, insultes masculines n’est plus perçue comme relevant d’un mode d’agression. Le porno a pour fonction politique de prétendre que les femmes désirent être violées, ceci nous révèle la vérité du fascisme sexuel patriarcal qui repose sur un mensonge propagande au sujet des femmes . Ceci doit être dit, je le dis ici en tant que survivante de violences en chaines à qui une fonctionnaire d’état vient de dire que ces violences ne sont pas à proprement parlé des viols mais des « pratiques bizarres « ,cette symétrisation entre le criminel et moi ainsi que la normalisation de ce qui fait de moi une personne mutilée à vie est un violence supplémentaire à éponger. Évidemment, envie de hurler de voir que des hommes découvrent que l’eau est mouillée. Pendant que ces messieurs comprennent, des millions d’existences féminines sont des agonies. Je le crie dans le désert depuis des années mais quand des hommes le chuchotent les oreilles se débouchent . Je ne vous aime plus , vous avez fait de l’amour une mise à mort. Je découvre l’amour – qui ne ressemble en rien à l’obsession pour la perforation des orifices- en quittant la proximité des hommes . Vous avez érotisé votre haine des femmes, vous avez érotisé la violence avec l’existence du porno et avez instauré l’effroi au cœur de ce qui en était l’antithèse. Vous avez mis le trauma dans le corps de la chair. Vous avez utilisé votre pénis comme une arme. Vous avez mis le couteau dans la confiance, le pistolet sur la tendresse, la trahison dans l’abandon. Vous avez secoué nos corps autour de votre bandaison comme des fourreaux à queue raide. Vous vous foutez complètement de nos existences, la seule chose qui compte c’est que vous restiez raide. Restez raides, mais sans nous.

Alors certaines tentent un cloisonnement temporel et décident « Le viol, et après ? Même pas morte ! « , certaines décident une étanchéité émotionnelle. Le problème est que nulle ne pourra faire l’économie du traitement du viol, nulle ne pourra l’annuler sans s’annuler à nouveau ou pire, rejoindre le camps du cynisme violeur. Notre espoir n’est que collectif et politique, notre espoir n’est que féministe. Nous sommes acculées à nous défendre; mutisme et immobilité ne nous a pas protégé, ne nous protège pas et ne nous protégera pas. Si nous voulons que les violeurs arrêtent nous allons devoir exprimer TOUT, la colère, les cris, les larmes, les mots. Et nous allons nous organiser. Nous nous organisons. Mais n’oublions jamais que le témoignage d’une femme sur les viol-ences qu’elle subit est le savoir chaud qui maintient nos froides décisions . Il faudra y revenir cycliquement car « balancer son agresseur » est un mouvement perpétuel. Ils nous violent toutes les secondes à travers le monde , décrètent que lorsque le viol est filmé cela devient ok, que lorsque Dieu le veut, homme le peut, que les petites filles sont épousables …Bref, le viol est la norme. Alors préparons nous à ne pas fléchir. Ils ont décidé de la guerre, nous sommes obligées de combattre.

Solveig HALLOIN, 8 mars 2018 …

#metoo#uneplaintepourviolimpossibleencultureduviol