SCHOPENHAUER,PHILOSOPHE MISOGYNE DE COMPTOIR

PHILOSOPHE MISOGYNE DE COMPTOIR

Voici quelques extraits de « L’Essai sur les femmes » d’Arthur Schopenhauer:

« Ce qui rend les femmes particulièrement aptes à soigner, à élever notre première enfance, c’est qu’elles restent elles-mêmes puériles, futiles et bornées; elles demeurent toute leur vie de grands enfants, une sorte d’intermédiaire entre l’enfant et l’homme ».

Les femmes sont restées en effet puériles et bornées dans la mesure exacte où les hommes les ont confinées à la maternité et au soin des enfants. Stratégie patriarcale classique: limiter les femmes et leur reprocher leurs limitations, immanquablement qualifiées de « naturelles ».

« Les femmes sont uniquement crées pour la propagation de l’espèce, toute leur vocation se concentre en ce point, elles vivent plus pour l’espèce que pour les individus, et prennent plus à cœur les intérêts de l’espèce que les intérêts des individus ».

Les femmes portent les enfants, mais en quoi cela fait-il d’elles des êtres davantage créés pour la propagation de l’espèce que les hommes? Dont l’intervention est tout aussi indispensable pour la propagation de l’espèce: si les femmes avaient le pouvoir (et pouvaient de ce fait produire et contrôler les systèmes de représentation), on pourrait aussi bien considérer les hommes comme des étalons reproducteurs créés essentiellement pour la propagation de l’espèce.

Citant Rousseau « Les femmes en général n’aiment aucun art, ne se connaissent à aucun et n’ont aucun génie. «  Et il complète: « dans le monde entier, ce sexe n’a pu produire un esprit véritablement grand, ni une oeuvre complète et originale dans les Beaux-arts, ni en quoi que ce soit un seul ouvrage d’une valeur durable ».Le but de l’effacement patriarcal systématique des femmes écrivains, artistes, scientifiques etc. est justement de faire croire que les femmes créatrices n’existent pas. Mais aussi efficace qu’il soit, elles n’ont pu être complètement effacées, on redécouvre maintenant ces nombreuses créatrices délibérément « oubliées ». On peut citer de nos jours des dizaines de créatrices d’œuvres « complètes et originales », et même plus originales que celles de Schopenhauer. Ridiculisant ainsi la grotesque prétention du mâle bombant le torse à l’exclusivité de la créativité artistique (à noter qu’au 19ème siècle, les hommes blancs portaient la même accusation d’incapacité artistique « naturelle » envers les peuples africains colonisés).« Les femmes sont le sexus sequior, le sexe second à tous égards, fait pour se tenir à l’écart et au second plan (…) Il ne devrait y avoir au monde que des femmes d’intérieur appliquées au ménage et des jeunes filles aspirant à le devenir, et que l’on formerait non à l’arrogance mais à la soumission ». (…) Il est évident que la femme par nature est destinée à obéir ».

Consternant de niaiserie. Il est clair que Schopenhauer n’aime pas les femmes qui sortent de la case ménagère, que les « femmes savantes » lui font horreur. Mais si les femmes sont à ce point naturellement faites pour la soumission, pourquoi faudrait-il travailler ainsi à les soumettre? Si elles sont à ce point incapables d’accéder au monde des idées et de l’art, pourquoi serait-il si essentiel de leur en refuser l’accès? Contradiction de taille, la peur des femmes et l’irrationalité s’insinuent derrière l’apparente sur-confiance virile.

Docte ignorance, aphorismes péremptoires, rodomontades virilistes, postures de supériorité renvoyant à un obscur sentiment d’imposture, on retrouve tout ça chez Nietzsche, dont le style doit presque tout à Schopenhauer, autant pour l’originalité masculine…

Pourquoi accorder une valeur au reste de l’oeuvre d’un philosophe à ce point formaté par les préjugés les plus communs de son époque? Les remarques banalement misogynes qu’il expose dans son ouvrage ne sont en rien différentes, sauf peut-être pour ce qui est de leur verbalisation un peu plus sophistiquée, des propos d’un beauf machiste lambda tels qu’on peut encore les entendre, avec très peu de changements, au zinc d’un bar PMU.

Pourquoi inscrire cet auteur au programme des lycées? Trouverait-on normal d’inscrire à ces programmes des philosophes affirmant grotesquement que les Africain.es et Africain-Américain.es sont « naturellement » incapables de peindre, de sculpter, d’écrire et de composer de la musique (sauf pour étudier les thèses racistes)? Les femmes doivent absolument faire le tri dans les « grandes œuvres » et les « grands hommes » que le discours dominant, dans l’enseignement secondaire et dans les médias, leur intime d’admirer.

Francine SPORENDA, 1er octobre 2022